IMMERSION AU MÉMORIAL DU CAMP DE RIVESALTES, HOMMAGE AUX EXILÉS ET VICTIMES DES CONFLITS CONTEMPORAINS QUI ONT MARQUÉ NOTRE TERRITOIRE POUR UNE VISITE CHARGÉE D’ÉMOTION ET DE MÉMOIRE.
LES FANTÔMES DU PASSÉ
Il est 14h, je gare ma voiture au parking dédié à l’entrée du site. Il souffle là une tramontane qui siffle comme dans un western et rend encore un peu plus fantomatique les lieux vides de tout quidam. Seules les âmes de ceux qui furent internés ici planent… J’avance en suivant les indications de direction affichées sur des panneaux qui me guident vers l’entrée du site.

Je me trouve face à un espace pelé, offert au brasier du soleil de l’été et balayé par les vents, sur lequel subsistent des vestiges de baraques dont la vétusté ne fait aucun doute. Une vaste dalle ocre, percée de 3 rectangles, se déploie au centre. Il s’agit en fait du Mémorial, bâtiment semi-enterré pour laisser apparaître les baraques. Un chemin permet d’en faire le tour, il est ponctué de toutes ces habitations de fortune en ruine et de bornes ou de panneaux explicatifs. L’atmosphère qui règne ici est solennelle. Elle est teintée de l’horreur de la situation vécue par ceux qui furent enfermés ici dans un dénuement et des conditions qu’on n’ose à peine imaginer.

Après avoir cheminé tout autour du mémorial je me dirige vers l’entrée, matérialisée par un long couloir qu’il faut descendre. Nous descendons vers cette mémoire vivante qui sort de terre comme l’a voulu son architecte Rudy Ricciotti.

60000 personnes sont passés par le camp de Rivesaltes de 1939 à 1965. Républicains espagnols fuyant le régime de Franco, Tziganes, juifs et enfin près de 22000 harkis y ont été internés arbitrairement suite à la promulgation de la loi sur les indésirables de 1938. C’est cette douloureuse histoire que le Mémorial met en lumière.
LA MÉMOIRE SORT DE TERRE
A l’air libre et à la lumière s’oppose l’enfouissement et la profondeur du Mémorial. Ce bâtiment pensé par l’architecte Rudy Ricciotti, métaphorise la mémoire qui sort de terre mais aussi l’enfermement subi par les populations internées. Lumière tamisée, perspectives fuyantes, matières brutes, sobriété et dépouillement composent l’ensemble des lieux.

A la billetterie on me remet un audioguide qui me permettra d’effectuer la visite en actionnant le support devant des bornes ou en y branchant mon casque. Avec ce dispositif, on est totalement autonome dans la visite. L’utilisation est plus que facile et les commentaires se révéleront de qualité tant dans leur pertinence que dans leur format.

VISITE LIBRE
Je parcours un couloir sans fin pour pénétrer dans la vaste salle d’exposition, qui dessert plusieurs espaces.
Je découvre d’abord sur ma droite une exposition temporaire intitulée » Treize chibanis harkis » présente les œuvres du peintre Serge Vollin, accompagnées de textes de l’historienne Fatima Besnaci Lancou. Les treize séries de tableaux ont été réalisées à partir des témoignages de chibanis harkis, sur leur expérience de la guerre, de l’exil et de la relégation dans les camps, notamment celui de Rivesaltes.

J’effectue ensuite la visite libre de l’exposition permanente avec mon audioguide via les quatre outils qui sont à disposition pour découvrir les lieux.
– Une longue table centrale de 30 mètres raconte l’histoire du camp. Reliques et objets, témoignages écrits, photos et cartes se succèdent pour nous permettre de « feuilleter » la vie du camps, de sa construction à sa fermeture.

– Les Forêts de Témoins sont des totems numériques sur lesquels on branche son casque audio pour écouter les témoignages de ceux qui ont vécu là. Femmes et hommes; tziganes, juifs, réfugiés espagnols ou harkis reviennent ainsi avec force, pudeur ou émotion sur leurs souvenirs d’internement. Certains d’entre eux sont particulièrement déchirants. Ce sont les Voix de la mémoire qui font écho au silence assourdissant du dehors. 4 forêts de témoins occupent l’espace pour relater.

– Les Projections sur les murs font apparaître des images d’archive. Visages de prisonniers, d’hommes et de femmes, d’enfants… ces films et clichés « muets » surgis du passé s’agitent sur les murs. Ils donnent ainsi chair à l’histoire du lieu.
– 6 grands panneaux d’informations apportent enfin une perspective historique plus globale qui éclaire les événements historiques.

VISITE GUIDÉE
Après cette découverte en autonomie, j’assiste à la visite proposée par une guide conférencière. Cette intervention se révélera vraiment complémentaire.
L’approche est en effet à la fois historique mais aussi géo-politique. Elle intègre également l’aspect architectural des lieux. Cette médiation demeure tout à fait accessible. La guide nous interroge et répond à nos questions en déroulant l’histoire des lieux et des publics qui fréquentèrent les lieux.
Je repars la tête chargée d’images, de visages et de voix au terme de 2h30 passées dans les méandres de la mémoire d’une histoire bouleversante. Le Camp de Rivesaltes fait de notre territoire une terre de passage et d’exil. Le Mémorial lui redonne son humanité. C’est en tout cas le message dont il se veut porteur. L’expérience fut pour moi semblable à un brassage aussi culturel qu’émotionnel sur un épisode méconnu qui gagne à être révélé à tous.

INFOS PRATIQUES…
– Il faut compter au moins deux à trois heures pour les deux visites combinées.
– La visite ne me semble pas adaptée aux jeunes enfants mais plutôt aux adolescents à partir d’une douzaine d’années selon leur maturité et/ou intérêt.
– Un espace de restauration est à votre disposition pour vous rafraîchir, prendre un café ou grignoter.
– Des événements et ateliers sont proposés à l’année dont les Rendez-vous du Mémorial (conférences, lectures et échanges) tous les quinze jours, les jeudis à 18h.
Mémorial du Camp de Rivesaltes
Avenue Christian Bourquin, 66600 Salses-le-Château
04 68 08 39 70 – www.memorialcamprivesaltes.eu
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
– Tarif plein : 8€
– Tarif réduit : (demandeurs d’emplois, étudiants, groupes à partir de 10 pers., pass patrimoine) : 5€
– Gratuité pour : – 18 ans, les bénéficiaires des minimas sociaux, les journalistes détenteurs d’une carte de presse, les enseignants dans le cadre de la préparation de projets éducatifs avec le Mémorial, les témoins, les donateurs et prêteurs au profit du Mémorial du Camp de Rivesaltes, les titulaires de laissez-passer, les mécènes.
– Visite libre du site (extérieur) : gratuit